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événement de l’avant-veille ; d’autres triomphaient déjà ; tous étaient disposés à accueillir les récits les plus extraordinaires. Cependant la défiance qu’inspirait l’exaltation de Marie de Magdala[1], le peu d’autorité qu’avaient les femmes, l’incohérence de leurs récits, produisaient de grands doutes. On était dans l’attente de visions nouvelles, qui ne pouvaient pas manquer de venir. L’état de la secte était tout à fait favorable à la propagation de bruits étranges. Si toute la petite Église eût été réunie, la création légendaire eût été impossible ; ceux qui savaient le secret de la disparition du corps eussent probablement réclamé contre l’erreur. Mais, dans le désarroi où l’on était, la porte était ouverte aux plus féconds malentendus.

C’est le propre des états de l’âme où naissent l’extase et les apparitions d’être contagieux[2]. L’histoire de toutes les grandes crises religieuses prouve que ces sortes de visions se communiquent : dans une assemblée de personnes remplies des mêmes croyances, il suffit qu’un membre de la réunion affirme voir ou entendre quelque chose de surnaturel, pour que

  1. Marc. xvi, 9 ; Luc, viii, 2.
  2. Voir, par exemple, Calmeil, De la folie au point de vue pathologique, philosophique, historique et judiciaire. Paris, 1845, 2 vol. in-8o.