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dépositions[1] ; subissant l’effet de l’imagination des autres, comme il arrive toujours aux gens du peuple, elles se prêtaient à tous les embellissements, et participaient à la création de la légende qui naissait autour d’elles et à propos d’elles.

La journée fut orageuse et décisive. La petite société était fort dispersée. Quelques-uns étaient déjà partis pour la Galilée ; d’autres s’étaient cachés par crainte[2]. La déplorable scène du vendredi, le spectacle navrant qu’on avait eu sous les yeux, en voyant celui dont on avait tant espéré finir sur le gibet sans que son Père vînt le délivrer, avaient d’ailleurs ébranlé la foi de plusieurs. Les nouvelles données par les femmes et par Pierre ne trouvèrent de divers côtés qu’une incrédulité à peine dissimulée[3]. Des récits divers se croisaient ; les femmes allaient çà et là avec des discours étranges et peu concordants, enchérissant les unes sur les autres. Les sentiments les plus opposés se faisaient jour. Les uns pleuraient encore le triste

  1. Les six ou sept récits que nous avons de cette scène du matin (Marc en ayant deux ou trois, et Paul ayant aussi le sien, sans parler de l’Évangile des hébreux) sont en complet désaccord les uns avec les autres.
  2. Matth., xxvi, 31 : Marc, xiv, 27 ; Jean, xvi, 32 ; Justin, Apol., I, 50 ; Dial. cum Tryph., 53, 106. Le système de Justin est qu’au moment de la mort de Jésus, il y eut de la part des disciples une complète apostasie.
  3. Matth., xxviii, 17 ; Marc, xvi, 11 ; Luc, xxiv, 11.