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vivants et animés[1]. Il devait arriver pour Jésus ce qui arrive pour tous les hommes qui ont captivé l’attention de leurs semblables. Le monde, habitué à leur attribuer des vertus surhumaines, ne peut admettre qu’ils aient subi la loi injuste, révoltante, inique, du trépas commun. Au moment où Mahomet expira, Omar sortit de la tente le sabre à la main, et déclara qu’il abattrait la tête de quiconque oserait dire que le prophète n’était plus[2]. La mort est chose si absurde quand elle frappe l’homme de génie ou l’homme d’un grand cœur, que le peuple ne croit pas à la possibilité d’une telle erreur de la nature. Les héros ne meurent pas. La vraie existence n’est-elle pas celle qui se continue pour nous au cœur de ceux qui nous aiment ? Ce maître adoré avait rempli, durant des années, le petit monde qui se pressait autour de lui de joie et d’espérance ; consentirait-on à le laisser pourrir au tombeau ? Non ; il avait trop vécu dans ceux qui l’entourèrent pour qu’on n’affirmât pas, après sa mort, qu’il vivait toujours[3].

  1. Talmud de Babylone, Baba Bathra, 58 a, et l’extrait arabe donné par l’abbé Barges, dans le Bulletin de l’Œuvre des pèlerinages en terre sainte, février 1863.
  2. Ibn-Hischam, Sirat errasoul, édit. Wüstenfeld, pages 1012 et suiv.
  3. Luc, xxiv, 23 ; Act., xxv, 19 ; Jos., Ant., XVIII, iii, 3.