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chrétiens, parce qu’il leur a plu de l’être. Comme en politique il n’y a que les fondations barbares qui durent, en religion il n’y a que les affirmations spontanées, et, si j’ose le dire, fanatiques, qui soient contagieuses. C’est que les religions sont des œuvres toutes populaires. Leur succès ne dépend pas des preuves plus ou moins bonnes qu’elles administrent de leur divinité ; leur succès est en proportion de ce qu’elles disent au cœur du peuple.

Suit-il de là que la religion soit destinée à diminuer peu à peu et à disparaître comme les erreurs populaires sur la magie, la sorcellerie, les esprits ? Non certes. La religion n’est pas une erreur populaire ; c’est une grande vérité d’instinct, entrevue par le peuple, exprimée par le peuple. Tous les symboles qui servent à donner une forme au sentiment religieux sont incomplets, et leur sort est d’être rejetés les uns après les autres. Mais rien n’est plus faux que le rêve de certaines personnes qui, cherchant à concevoir l’humanité parfaite, la conçoivent sans religion. C’est l’inverse qu’il faut dire. La Chine, qui est une humanité inférieure, n’a presque pas de religion. Au contraire, supposons une planète habitée par une humanité dont la puissance intellectuelle, morale, physique, soit double de celle de l’humanité terrestre, cette humanité-là serait au