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cela ne suffit pas. Les gouvernements qui sont partis de cette supposition que l’homme n’est composé que d’instincts cupides se sont trompés. Le dévouement est aussi naturel que l’égoïsme à l’homme de grande race. L’organisation du dévouement, c’est la religion. Qu’on n’espère donc pas se passer de religion ni d’associations religieuses. Chaque progrès des sociétés modernes rendra ce besoin-là plus impérieux.

Voilà de quelle manière ces récits d’événements étranges peuvent être pour nous pleins d’enseignements et d’exemples. Il ne faut pas s’arrêter à certains traits que la différence des temps fait paraître bizarres. Quand il s’agit de croyances populaires, il y a toujours une immense disproportion entre la grandeur du but idéal que poursuit la foi et la petitesse des circonstances matérielles qui ont fait croire. De là cette particularité que, dans l’histoire religieuse, des détails choquants et des actes ressemblant à la folie peuvent être mêlés à tout ce qu’il y a de plus sublime. Le moine qui inventa la sainte ampoule a été l’un des fondateurs du royaume de France. Qui ne voudrait effacer de la vie de Jésus l’épisode des démoniaques de Gergésa ? Jamais homme de sang-froid n’a fait ce que firent François d’Assise, Jeanne d’Arc, Pierre l’Ermite, Ignace de Loyola. Rien n’est plus relatif que le mot de folie appliqué au passé de