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d’être adoré de son vivant dans les provinces[1]. Tibère laissa juger sous ses yeux cet ignoble concours des villes d’Asie, se disputant l’honneur de lui élever un temple[2]. Les extravagantes impiétés de Caligula[3] ne produisirent aucune réaction ; hors du judaïsme, il ne se trouva pas un seul prêtre pour résister à de telles folies. Sortis pour la plupart d’un culte primitif des forces naturelles, dix fois transformés par des mélanges de toute sorte et par l’imagination des peuples, les cultes païens étaient limités par leur passé. On n’en pouvait tirer ce qui n’y fut jamais, le déisme, l’édification. Les Pères de l’Église nous font sourire quand ils relèvent les méfaits de Saturne comme père de famille, de Jupiter comme mari. Mais, certes, il était bien plus ridicule encore d’ériger Jupiter (c’est-à-dire l’atmosphère) en un dieu moral, qui commande, défend, récompense, punit. Dans un monde qui aspirait à posséder un catéchisme, que pouvait-on faire d’un culte comme celui de Vénus, sorti d’une vieille nécessité

  1. Suétone, Aug., 52 ; Dion Cass., LI, 20 ; Tacite, Ann., I, 10 ; Aurel. Victor, Cæs., 1 ; Appien, Bell. Civ., V, 132 ; Jos., B. J., I, xxi, 2, 3, 4, 7 ; Noris, Cenotaphia Pisana, dissert. I, cap. 4 ; Kalendarium Cumanum, dans Corpus inscr. lat., I, p. 310 ; Eckhel, Doctrina num. vet., pars 2a, vol. VI, p. 100, 124 et suiv.
  2. Tacite, Ann., IV, 55-56. Comp. Valère Maxime, prol.
  3. Voir ci-dessus, p. 193 et suiv.