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troduisaient secrètement. L’affectation que mettaient les patriciens romains à distinguer « la religion », c’est-à-dire leur propre culte, de « la superstition », c’est-à-dire des cultes étrangers[1], nous paraît cependant assez puérile. Tous les cultes païens étaient essentiellement superstitieux. Le paysan qui de nos jours met un sou dans le tronc d’une chapelle à miracles, qui invoque tel saint pour ses bœufs ou ses chevaux, qui boit de certaine eau dans certaines maladies, est en cela païen. Presque toutes nos superstitions sont les restes d’une religion antérieure au christianisme, que celui-ci n’a pu déraciner entièrement. Si l’on voulait retrouver de nos jours l’image du paganisme, c’est dans quelque village perdu, au fond des campagnes les plus arriérées, qu’il faudrait le chercher.

N’ayant pour gardiens qu’une tradition populaire vacillante et des sacristains intéressés, les cultes païens ne pouvaient manquer de dégénérer en adulation[2]. Auguste, quoique avec réserve, accepta

  1. « Religio sine superstitione. » Oraison funèbre de Turia, I, lignes 30-31. Voir le Traité de la superstition de Plutarque.
  2. Voir Méliton, Περὶ ἀληθείας, dans le Spicilegium syriacum de Cureton, p. 43 ou dans le Spicil. Solesmense de dom Pitra, t. II, p. xli, pour se bien rendre compte de l’impression que cela faisait sur les juifs et les chrétiens.