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au monde le vin de son immoralité, était juste à beaucoup d’égards[1]. La province valait mieux que Rome, ou plutôt les éléments impurs qui de toutes parts s’amassaient à Rome, comme en un égout, avaient formé là un foyer d’infection, où les vieilles vertus romaines étaient étouffées et où les bonnes semences venues d’ailleurs se développaient lentement.

L’état intellectuel des diverses parties de l’Empire était peu satisfaisant. Sous ce rapport, il y avait une véritable décadence. La haute culture de l’esprit n’est pas aussi indépendante des circonstances politiques que l’est la moralité privée. Il s’en faut, d’ailleurs, que les progrès de la haute culture de l’esprit et ceux de la moralité soient parallèles. Marc-Aurèle fut certes un plus honnête homme que tous les anciens philosophes grecs ; et pourtant ses notions positives sur les réalités de l’univers sont inférieures à celles d’Aristote, d’Épicure ; car il croit par moments aux dieux comme à des personnages finis et distincts, aux songes, aux présages. Le monde, à l’époque romaine, accomplit un progrès de moralité et subit une décadence scientifique. De Tibère à Nerva, cette décadence est tout à fait sensible. Le

  1. Apoc., xvii et suiv.