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navires à leur famille nombreuse, à ces troupes de jolis enfants, presque du même âge, qui les suivaient, la mère, avec l’air enfantin d’une petite fille de quatorze ans, se tenant à côté de son mari, soumise, doucement rieuse, à peine supérieure à ses fils aînés[1]. Les têtes, dans ce groupe paisible, sont peu accentuées ; sûrement il n’y a pas là d’Archimède, de Platon, de Phidias. Mais ce marchand syrien, arrivé à Rome, sera un homme bon et miséricordieux, charitable pour ses compatriotes, aimant les pauvres. Il causera avec les esclaves, leur révélera un asile où ces malheureux, réduits par la dureté romaine à la plus désolante solitude, trouveront un peu de consolation. Les races grecques et latines, races de maîtres, faites pour le grand, ne savaient pas tirer parti d’une position humble[2]. L’esclave de ces races passait sa vie dans la révolte et le désir du mal. L’esclave idéal de l’antiquité a tous les défauts : gourmand, menteur, méchant, ennemi naturel de son maître[3]. Par là, il prouvait en quelque manière sa noblesse ; il protestait contre une situation hors nature. Le bon Syrien

  1. Les Maronites colonisent encore dans presque tout le Levant à la façon des Juifs, des Arméniens et des Grecs, quoique sur une moindre échelle.
  2. Lire Cicéron, De offic., I, 42 ; Denys d’Halicarnasse, II, 28 ; IX, 25.
  3. Voir les types d’esclaves dans Plaute et Térence.