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leur assurait l’avenir ; car l’avenir alors était aux esclaves. Un trait non moins essentiel du Syrien était sa facilité, sa souplesse, la clarté superficielle de son esprit. La nature syrienne est comme une image fugitive dans les nuées du ciel. On voit par moments certaines lignes s’y tracer avec grâce ; mais ces lignes n’arrivent jamais à former un dessin complet. Dans l’ombre, à la lueur indécise d’une lampe, la femme syrienne, sous ses voiles, avec son œil vague et ses mollesses infinies, produit quelques instants d’illusion. Puis, quand on veut analyser cette beauté, elle s’évanouit ; elle ne supporte pas l’examen. Tout cela, au reste, dure à peine trois ou quatre années. Ce que la race syrienne a de charmant, c’est l’enfant de cinq ou six ans ; à l’inverse de la Grèce, où l’enfant était peu de chose, le jeune homme inférieur à l’homme fait, l’homme fait inférieur au vieillard[1]. L’intelligence syrienne attache par un air de promptitude et de légèreté ; mais elle manque de fixité, de solidité ; à peu près comme ce « vin d’or » du Liban, qui cause un transport agréable, mais dont on se fatigue vite. Les vrais dons de Dieu ont quelque chose à la fois de fin et de fort, d’enivrant et de durable. La Grèce est plus appré-

  1. Les enfants qui m’avaient plu lors de mon premier voyage, je les retrouvai, quatre ans après, laids, communs et alourdis.