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part, soustraits à la juridiction ordinaire, fort méprisés du reste du monde, mais où régnait le bonheur. On y était plutôt pauvre que riche. Le temps des grandes fortunes juives n’était pas encore venu ; elles commencèrent en Espagne, sous les Visigoths[1]. L’accaparement de la finance par les juifs fut l’effet de l’incapacité administrative des barbares, de la haine que conçut l’Église pour la science de l’argent et de ses idées superficielles sur le prêt à intérêt. Sous l’empire romain, rien de semblable. Or, quand le juif n’est pas riche, il est pauvre ; l’aisance bourgeoise n’est pas son fait. En tout cas, il sait très-bien supporter la pauvreté. Ce qu’il sait mieux encore, c’est allier la préoccupation religieuse la plus exaltée à la plus rare habileté commerciale. Les excentricités théologiques n’excluent nullement le bon sens en affaires. En Angleterre, en Amérique, en Russie, les sectaires les plus bizarres (irvingiens, saints des derniers jours, raskolniks) sont de très-bons marchands.

Le propre de la vie juive pieusement pratiquée a toujours été de produire beaucoup de gaieté et de cordialité. On s’aimait dans ce petit monde ; on y aimait un passé et le même passé ; les cérémonies

  1. Lex Wisigoth., livre XII, tit. ii et iii, dans Walter, Corpus juris germanici antiqui, t. I, p. 630 et suiv.