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juive était beaucoup plus forte que celle de tous ses nouveaux confrères. Mais, n’ayant pas entendu Jésus, n’ayant pas été institué par lui, il avait, selon les idées chrétiennes, une grande infériorité. Or, Paul n’était pas fait pour accepter une place secondaire. Son altière individualité exigeait un rôle à part. C’est probablement vers ce temps que naquit en lui l’idée bizarre qu’après tout il n’avait rien à envier à ceux qui avaient connu Jésus et avaient été choisis par lui, puisque lui aussi avait vu Jésus, avait reçu de Jésus une révélation directe et le mandat de son apostolat. Même ceux qui furent honorés d’une apparition personnelle du Christ ressuscité n’eurent rien de plus que lui. Pour avoir été la dernière, sa vision n’en avait pas été moins remarquable. Elle s’était produite dans des circonstances qui lui donnaient un cachet particulier d’importance et de distinction[1]. Erreur capitale ! L’écho de la voix de Jésus se retrouvait dans les discours du plus humble de ses disciples. Avec toute sa science juive, Paul ne pouvait suppléer à l’immense désavantage qui résultait pour lui de sa tardive initiation. Le Christ qu’il avait vu sur le chemin de Damas n’était pas, quoi qu’il dît, le Christ de Galilée ; c’était le Christ de son imagination, de

  1. Épître aux Galates, i, 11-12 et presque entière ; I Cor., ix, 1 et suiv. ; xv, 1 et suiv. ; II Cor., xi, 21 et suiv.