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servé le détail de la scène inouïe qui se passa quand la députation dont il était le chef fut admise à voir l’empereur[1]. Caligula les reçut pendant qu’il visitait les villas de Mécène et de Lamia, près de la mer, aux environs de Pouzzoles. Il était ce jour-là en veine de gaieté. Hélicon, son railleur de prédilection, lui avait conté toute sorte de bouffonneries sur les Juifs. « Ah ! c’est donc vous, leur dit-il avec un rire amer et en montrant les dents, qui seuls ne voulez pas me reconnaître pour dieu, et qui préférez en adorer un que vous ne sauriez seulement nommer ? » Il accompagna ces paroles d’un épouvantable blasphème. Les Juifs tremblaient ; leurs adversaires alexandrins prirent les premiers la parole : « Vous détesteriez, seigneur, encore bien davantage ces gens et toute leur nation, si vous saviez l’aversion qu’ils ont pour vous ; car ils ont été les seuls qui n’aient point sacrifié pour votre santé, lorsque tous les peuples le faisaient. » A ces mots, les Juifs s’écrièrent que c’était là une calomnie, et qu’ils avaient offert trois fois pour la prospérité de l’empereur les sacrifices les plus solennels qui fussent en leur religion. « Soit, dit Caligula avec un sérieux fort comique, vous avez sacrifié ; c’est bien ; mais ce n’est pas à moi que vous avez sa-

  1. Philon, Leg. ad Caium, § 27, 30, 44 et suiv.