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les portait en son esprit. Chaque pas qu’il faisait vers Damas éveillait en lui de cuisantes perplexités. L’odieux rôle de bourreau qu’il allait jouer lui devenait insupportable. Les maisons qu’il commence à apercevoir sont peut-être celles de ses victimes. Cette pensée l’obsède, ralentit son pas ; il voudrait ne pas avancer ; il s’imagine résister à un aiguillon qui le presse[1]. La fatigue de la route[2], se joignant à cette préoccupation, l’accable. Il avait, à ce qu’il paraît, les yeux enflammés[3], peut-être un commencement d’ophthalmie. Dans ces marches prolongées, les dernières heures sont les plus dangereuses. Toutes les causes débilitantes des jours passés s’y accumulent ; les forces nerveuses se détendent ; une réaction s’opère. Peut-être aussi le brusque passage de la plaine dévorée par le soleil aux frais ombrages des jardins détermina-t-il un accès dans l’organisation maladive[4] et gravement ébranlée du voyageur fanatique. Les fièvres pernicieuses, accompagnées de transport au cerveau, sont dans ces parages tout à fait subites. En quelques minutes, on est comme foudroyé. Quand l’accès est passé, on garde l’im-

  1. Act., xxvi, 14.
  2. De Jérusalem à Damas, il y a huit fortes journées.
  3. Act., ix, 8, 9, 18 ; xxii, 11, 13.
  4. Voir ci-dessus, p. 171, et II Cor., xii, 1 et suiv.