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des hommes. Il vit que la famille n’est pas le cadre absolu de la vie, ou, du moins, un cadre fait pour tous, que le devoir de reproduire l’espèce humaine ne pèse pas sur tous, qu’il doit y avoir des personnes affranchies de ces devoirs, sacrés sans doute, mais non faits pour tous. L’exception que la société grecque fit en faveur des hétères à la façon d’Aspasie, que la société italienne fit pour la cortigiana à la manière d’Imperia, à cause des nécessités de la société polie, le christianisme la fit pour le prêtre, la religieuse, la diaconesse, en vue du bien général. Il admit des états divers dans la société. Il y a des âmes qui trouvent plus doux de s’aimer à cinq cents que de s’aimer à cinq ou six, pour lesquelles la famille dans ses conditions ordinaires paraîtrait insuffisante, froide, ennuyeuse. Pourquoi étendre à tous les exigences de nos sociétés ternes et médiocres ? La famille temporelle ne suffit pas à l’homme. Il lui faut des frères et des sœurs en dehors de la chair.

Par sa hiérarchie des différentes fonctions sociales[1], l’Église primitive parut concilier un moment ces exigences opposées. Nous ne comprendrons jamais combien on fut heureux sous ces règles

  1. I Cor., xii entier.