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femme a besoin d’être gouvernée, n’est heureuse que gouvernée ; mais il faut qu’elle aime celui qui la gouverne. Voilà ce que ni les sociétés anciennes, ni le judaïsme, ni l’islamisme, n’ont pu faire. La femme n’a jamais eu jusqu’ici une conscience religieuse, une individualité morale, une opinion propre que dans le christianisme. Grâce aux évêques et à la vie monastique, une Radegonde saura trouver des moyens pour échapper des bras d’un époux barbare. La vie de l’âme étant tout ce qui compte, il est juste et raisonnable que le pasteur qui sait faire vibrer les cordes divines, le conseiller secret qui tient la clef des consciences, soit plus que le père, plus que l’époux.

En un sens, le christianisme fut une réaction contre la constitution trop étroite de la famille dans la race aryenne. Non seulement les vieilles sociétés aryennes n’admettaient guère que l’homme marié, mais elles entendaient le mariage dans le sens le plus strict. C’était quelque chose d’analogue à la famille anglaise, un cercle étroit, fermé, étouffant, un égoïsme à plusieurs, aussi desséchant pour l’âme que l’égoïsme à un seul. Le christianisme, avec sa divine notion de la liberté du royaume de Dieu, corrigea ces exagérations. Et d’abord, il se garda de faire peser sur tout le monde les devoirs du commun