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vieille[1] », vénérée, utile, traitée de mère. Ces femmes allant, venant sans cesse[2], étaient d’admirables missionnaires pour le culte nouveau. Les protestants se trompent en portant dans l’appréciation de ces faits notre esprit moderne d’individualité. Quand il s’agit d’histoire chrétienne, c’est le socialisme, le cénobitisme, qui sont primitifs.

L’évêque, le prêtre, comme le temps les a faits, n’existaient pas encore. Mais le ministère pastoral, cette intime familiarité des âmes, en dehors des liens du sang, était déjà fondé. Ceci a toujours été le don spécial de Jésus, et comme un héritage de lui. Jésus avait souvent répété qu’il était pour chacun plus que son père, plus que sa mère, qu’il fallait pour le suivre quitter les êtres les plus chers. Au-dessus de la famille, le christianisme mettait quelque chose ; il créait la fraternité, le mariage spirituels. Le mariage antique, livrant l’épouse à l’époux sans restriction, sans contre-poids, était un véritable esclavage. La liberté morale de la femme a commencé le jour où l’Église lui a donné un confident, un guide en Jésus, qui la dirige et la console, qui toujours l’écoute, et parfois l’engage à résister. La

  1. Καλογρία, nom des religieuses dans l’Église orientale. Καλός réunit ici les deux sens de « beau » et de « bon ».
  2. Voir ci-dessus, p. 122, note 3.