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ivres[1]. Quoique sobre en fait de mysticisme, Jésus avait plus d’une fois présenté en sa personne les phénomènes ordinaires de l’extase[2]. Les disciples, pendant deux ou trois ans, furent obsédés de ces idées. Le prophétisme était fréquent et considéré comme un don analogue à celui des langues[3]. La prière, mêlée de convulsions, de modulations cadencées, de soupirs mystiques, d’enthousiasme lyrique, de chants d’action de grâce[4], était un exercice journalier. Une riche veine de « cantiques », de « psaumes », d’« hymnes », imités de ceux de l’Ancien Testament, se trouva ainsi ouverte[5]. Tantôt la bouche et le cœur s’accompagnaient mutuellement ; tantôt le cœur chantait seul, accompagné intérieurement de la grâce[6]. Aucune langue ne rendant les sensations nouvelles qui se produisaient, on se laissait aller à un bégayement indistinct, à la fois sublime et puéril, où ce qu’on peut appeler « la langue chrétienne » flottait à l’état d’embryon. Le christianisme, ne trouvant pas

  1. Act., ii, 13, 15.
  2. Marc, iii, 21 et suiv. ; Jean, x, 20 et suiv. ; xii, 27 et suiv.
  3. Act., xix, 6 ; I Cor., xiv, 3 et suiv.
  4. Act., x, 46 ; I Cor. xiv, 15, 16, 26.
  5. Col., iii, 16 ; Eph., v, 19 (Ψαλμοί, ὕμνοι, ᾠδαὶ πνευματικαί). Voir les premiers chapitres de l’Évangile de Luc. Comparez, en particulier, Luc, i, 46 à Act., x, 46.
  6. I Cor., xiv, 15 ; Col., iii, 16 ; Eph., v, 19.