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sements étouffés, d’éjaculations, de prières, d’élans subits, que l’on tenait pour prophétiques. C’était comme une vague musique de l’âme, épandue en sons indistincts, et que les auditeurs cherchaient à traduire en images et en mots déterminés[1], ou plutôt comme des prières de l’Esprit, s’adressant à Dieu en une langue connue de Dieu seul et que Dieu sait interpréter[2]. L’extatique, en effet, ne comprenait rien à ce qu’il disait, et n’en avait même aucune conscience[3]. On écoutait avec avidité, et on prêtait à des syllabes incohérentes les pensées qu’on trouvait sur-le-champ. Chacun se reportait à son patois et cherchait naïvement à expliquer les sons inintelligibles par ce qu’il savait en fait de langues. On y réussissait toujours plus ou moins, l’auditeur mettant dans ces mots entrecoupés ce qu’il avait au cœur.

L’histoire des sectes d’illuminés est riche en faits du même genre. Les prédicants des Cévennes offrirent plusieurs cas de « glossolalie »[4]. Mais le fait

  1. I Cor., xiii, 1 ; xiv, 7 et suiv.
  2. Rom., viii, 26-27.
  3. I Cor., xiv, 13, 14, 27 et suiv.
  4. Jurieu, Lettres pastorales, 3e année, 3e lettre ; Misson, le Théâtre sacré des Cévennes, p. 10, 14, 15, 18, 19, 22, 31, 32, 36, 37, 65, 66, 68, 70, 94, 104, 109, 126, 140 ; Brueys, Histoire du fanatisme (Montpellier, 1709), I, pages 145 et suiv. ; Fléchier. Lettres choisies (Lyon, 1734), I, p. 353 et suiv.