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de fixer la date du Cohélet. Quelques observations des plus fines, déjà faites du reste avant M. Graetz par M. Nahman Krochmal, sur les derniers versets, montrent que rien ne s’oppose à ce que la composition du livre ne remonte pas au delà des temps hérodiens ou asmonéens. La langue est ici évidemment le critérium le plus important. Il est en général assez facile de distinguer un ouvrage hébreu de la grande époque, c’est-à-dire antérieur à l’an 500, d’un ouvrage hébreu postérieur, tel qu’Esther, Esdras, Néhémie, Les Chroniques, Daniel. Le vieux style hébreu a un caractère à part, ferme, nerveux, serré comme un câble, tordu, énigmatique. L’hébreu moderne, au contraire, est lâche, sans timbre, flasque, tout à fait analogue à l’araméen. Les aramaïsmes y abondent ; les écrits conçus en ce dialecte peuvent être traduits mot à mot en araméen, sans rien y perdre. Il n’en est pas de même du Cohélet. Oui, certes, la langue du livre est moderne ; mais elle est peu teintée d’aramaïsme ; le livre est presque impossible à bien traduire en syriaque. Ce à quoi cet hébreu ressemble, c’est à la Mischna, et surtout au traité Eduioth, aux Pirké aboth, à la Megillath Taanith. Or la Mischna représente l’hébreu du IIe siècle après J.-C., hébreu très différent de la langue fortement aramaïsée qui était devenue à la mode chez les Juifs vers l’époque achéménide. Par la langue, le Cohélet parait le plus récent des livres bibliques, le plus voisin du Talmud.

Les considérations paléographiques, si l’on peut s’exprimer ainsi, conduisent à la même conclusion.