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ont quelque chose de touchant. S'il n’a aucune idée de vie future ni de messianisme, il croit du moins à l’éternité d’Israël ; il respecte les saints, et, quoique ses idées sur les longues prières, sur la croyance aux songes, sur l’observation de la loi préférable aux sacrifices, se rapprochent de celles de Cohélet, le fils de Sirach est d’une tout autre école que notre sceptique auteur. Il est patriote. Or cette religion fondamentale de l’Israélite, qui meurt chez lui la dernière et survit à toutes ses désillusions, est à peine sensible chez Cohélet. Il n’est pas fier d’être Juif ; on sent que, s'il doit se trouver un jour en rapports avec les Grecs et les Romains, il fera tous ses efforts pour dissimuler sa race et faire bonne figure, aux dépens de la Loi, dans le high life de son temps.


A quelle date précise rapporter notre singulier petit livre ? Cette question est pour la critique l’objet de sérieux embarras. Autant il est facile de classer idéalement le Cohélet, je veux dire de lui assigner sa place dans l’histoire morale d’Israël, autant il est difficile de fixer absolument le siècle où il a été composé. L’histoire littéraire du peuple juif offre des lacunes énormes, et les considérations a priori sont, en pareille matière, singulièrement dangereuses. Telle pensée qui paraît d’ordre moderne fit peut-être son apparition, dans quelque coin perdu du développement d’Israël, à une époque ancienne. Telle pensée qui paraît primitive est souvent, chez ce peuple étrange, contemporaine de l’Empire romain.