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de notre temps, dans tous les pays qui le possèdent, un grand élément de réforme et de progrès. Le saint-simonisme et le mysticisme industriel et financier de nos jours sont sortis pour une moitié du judaïsme. Dans les mouvements révolutionnaires français, l’élément juif a un rôle capital. C’est ici-bas qu’il fait réaliser le plus de justice possible. La tikva juive, « la confiance », cette assurance que la destinée de l’homme ne saurait être frivole et qu’un brillant avenir de lumière attend l’humanité, n'est pas l’espérance ascétique d’un paradis contraire à la nature de l’homme ; c’est l’optimisme philosophique, fondé sur un acte de foi invincible dans la réalité du bien.

Cohélet a sa place définie dans cette histoire du long combat de la conscience juive contre l'iniquité du monde. Il représente une pause dans la lutte. Chez lui, pas une trace de messianisme ni de résurrection, ni de fanatisme religieux, ni de patriotisme, ni d’estime particulière pour sa race. Il n’y a rien après la mort. Le jour de Jéhovah ne vient jamais ; Dieu est au ciel ; il ne régnera jamais sur la terre. Cohélet voit l’inutilité des tentatives pour concilier la justice de Dieu avec le train du monde. Il en prend son parti. Une fois que l'homme a rempli ses devoirs élémentaires envers son créateur, il n’a plus qu’à vivre en paix, jouissant à son aise de la fortune qu’il a honnêtement acquise, attendant tranquillement la vieillesse, la décrivant en jolies phrases. Le tempérament fin et voluptueux de l’auteur montre qu’il avait pour se consoler de sa philosophie pessimiste plus d’une douceur intérieure. Comme tous les pessimistes de