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naient avec une imperturbable naïveté que la vertu est toujours ici-bas récompensée et le vice puni. L’adversité qui frappe l’homme de bien n’est qu’une épreuve passagère. Telle est la théorie qui fait le fond du Livre de Job, des Proverbes, de beaucoup de psaumes, de la Sagesse de Jésus fils de Sirach, du Livre d’Esther, de Judith, de Tobie, etc. Les prophètes et certains psalmistes n’ont pas une sagesse tout à fait aussi calme. L’auteur du psaume LXXIII (Vulg. LXXII, verset 3) éprouve des mouvements de jalousie féroce « en voyant la paix des pécheurs ». Ces pieux zélotes sont pris d’accès de rage à la vue des choses humaines. La prospérité des méchants les irrite et les porte à des appels désespérés. Dieu sommeille ; mais Dieu aura son jour, ses grandes assises en quelque sorte, où il redressera le monde et mettra tout dans le droit chemin.

« Le jour de Jéhovah » devient ainsi le point de mire de la conscience froissée d’Israël. Le monde actuel est l’injustice même ; mais la justice existera un jour. Il y aura un règne de Dieu, qui sera le règne des saints, le règne de l’idéal juif sur un monde renouvelé. La crise extraordinaire du temps des Macchabées vint donner à cette conviction les formes messianiques et apocalyptiques. La résurrection était devenue nécessaire. Ces martyrs qui souffrent la mort la plus cruelle pour rester fidèles à la Thora, comment soutenir qu’ils ont leur rémunération ici-bas ? Une récompense spéciale est conçue pour les martyrs. Pendant mille ans, ils régneront avec le Messie dans