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vue d’une existence indéfinie, loin d’être considéré par le sage Israélite comme un homme religieux, lui faisait l’effet d’un impie. La croyance à l’immortalité, loin de lui sembler pieuse, lui paraissait une injure à Dieu et au bon sens. Le peuple, comme tous les êtres instinctifs de tous les temps, croyait aux refaïm, aux revenants ; il y avait des sorciers et des sorcières qui prétendaient évoquer les ombres et les faire parler. Si les sages d’Israël eussent laissé faire le peuple, celui-ci, avec le scheol et les refaïm, se fût créé un enfer et une mythologie comme tous les autres peuples. Mais les sages furent assez forts pour étouffer ces rêves en leur germe. « Dans le scheol, on ne sent rien, on ne sait rien, on ne voit rien. Les refaïm sont un néant ; ils ne louent pas Dieu. Une fois que le souffle de la vie est remonté à Dieu qui l’avait donné, le corps se décompose et revient à la terre[1] »

C’est ici le point de vue où il faut se placer pour bien apercevoir l’opposition profonde du système aryen et du système sémitique, ainsi que le secret de la divergence absolue de ces deux grandes races en fait de religion. Dans le système aryen, les pitris, les ancêtres, sont des dieux ; ils sont immortels ; ils existent par eux-mêmes à la face des autres dieux. Dans le système sémitique, une telle conception est l’impiété par excellence. Un seul être existe éternellement : c’est Dieu. L'homme est une créature essentiellement mortelle. Supposer que quelqu'un est éter-

  1. Cantique d’Ézéchias, dans Isaïe, ch. XXXVIII, 9 et suiv. ; Ps. VI, 6 ; CXIV, 17 ; Eccl., XII.