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de Dieu. Le peuple juif est à la fois le peuple le plus religieux et celui qui a eu la religion la plus simple. C’est le peuple de Dieu, et ce n’est pas tout à fait sans raison que l’antiquité l’appela le peuple athée[1]. L’Ecclésiaste ne nous montre aucun pouvoir dogmatique établi, aucun catéchisme religieux, pas de prêtres enseignants, nulle idée de prophètes. Craindre, c’est-à-dire respecter Dieu, voilà tout ; le reste n’est qu’erreur d’esprits étroits, méconnaissance des rapports de l’homme avec l’Éternel.

C’est la gloire du peuple d’Israël d’avoir le premier aperçu la vanité de la superstition et des chimères religieuses. Dès une époque qu’on ne peut calculer, l’ancêtre des Israélites a vu la folie de l’idolâtrie, des divinités locales et multiples, des grandes imaginations sur la vie d’outre-tombe. Quand un Israélite parcourait l’Égypte, visitait les syringes de Thèbes, les memnonia, les hypogées du Sérapeum, ces maisons des morts si supérieures à celles des vivants, le sentiment qu’il éprouvait était celui de la pitié qu’inspire la vue de l’absurde. Dieu lui apparaissait alors grand, unique, se riant des hommes et de leurs folies. La première de ces folies était à ses yeux la prétention à l’immortalité. « Dieu seul dure[2] », telle a toujours été la base fondamentale de la théologie sémitique, monothéiste. L’homme est un être passager, et le pire acte d’orgueil de sa part serait de s’égaler à Dieu, en s’attribuant l’éternité. Le Pharaon qui se bâtit des pyramides en

  1. Judaea gens contumelia numinum insignis. Pline, Hist. nat., XIII, 4 (9).
  2. Hou el-bâqi des musulmans.