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pour l’homme et pour l’animal, et cela dans une société où les choses sont au rebours de la justice et de la raison.

Il faut donc, avec tout le monde, aller au temple et pratiquer le culte établi ; mais ici, comme en toute chose, il faut éviter l’excès.

On importune Dieu par des vœux trop répétés ; on donne aux prêtres des droits sur soi ; craindre Dieu, voilà le culte véritable. Les dévots sont les plus insupportables des sots. L’impie est un fou ; il brave Dieu, il s’expose au danger le plus terrible ; mais le piétiste est un nigaud, qui assomme Dieu par ses prières et lui déplaît en croyant l’honorer[1].

Il est clair que les impénétrables obscurités dont le gouvernement du monde est entouré aux yeux de notre auteur seraient dissipées, si Cohélet avait la moindre notion d’une vie à venir. A cet égard, ses idées sont celles de tous les juifs éclairés. La mort termine la vie consciente pour l’individu. La pâle et morne existence des refaïm qui préoccupait les gens crédules, surtout les superstitieux Chananéens, n’a aucune signification morale. On ne sent pas dans le scheol. La mort de l’homme et celle de l’animal sont une seule et même chose. La vie, chez l’homme et chez l’animal, vient du souffle de Dieu, qui soulève et pénètre la matière par des voies mystérieuses. « Il n’y a qu’un seul souffle en toute chose. » A la mort, le souffle divin se sépare de la matière ; le corps revient

  1. Le seul passage du livre qui ait en apparence un accent de piété (XII) prête à de grands doutes. M. Grætz soupçonne Boréka de signifier tout autre chose que « ton créateur ».