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quatre lettres QHLT, qui sont restées jusqu’à présent inintelligibles. Les voyelles manquent, selon l’usage ; mais il est probable que l’auteur a voulu qu’on lise QoHeLeT. Dans un passage du texte[1], la quiescente a été introduite entre les deux premières lettres. Dès le IIIe siècle de notre ère, au moins, les Grecs prononçaient Kôeléth[2]. Les Massorètes ont donc suivi une tradition en ponctuant QoHeLeT, et le traducteur grec a lu évidemment de la même manière, quand il a traduit le mot par Ekklèsiastè s, « prédicateur ». QaHaL, en effet, est l’équivalent exact du grec ékklèsia. On en a conclu que QoHeLeT voudrait dire un harangueur, ékklèsiazôn ; puis, par des raisonnements grammaticaux plus complaisants que solides, on croit pouvoir établir que QoHeLeT, avec sa forme féminine, aurait le même sens.

Kohélet serait ainsi une sorte de nom symbolique de Salomon, considéré en quelque sorte comme prédicateur et docteur des foules assemblées. Tout cela est bien peu naturel ; cela sent la méthode de cette vieille école exégétique qui, du texte le plus indéchiffrable, même le plus corrompu, s’obligeait à tirer un sens. Aucun livre n’a moins que le nôtre l’accent d’une prédication morale. La forme féminine est, quoi qu’on en dise, une forte objection. Toutes les explications qu’on a essayées du mot QoHeLeT vont se heurter contre de vraies impossibilités. On est donc excusable de chercher d’un autre côté des solutions

  1. Ch. XII, 8. La traduction syriaque a partout Qouhalto.
  2. Origène, dans Eusèbe, Hist, eccl, VI, 25.