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et l’opinion pour laquelle il travaille. L’auteur de L’Ecclésiaste, au contraire, serait bien fâché qu’on le crût capable d’un prosélytisme quelconque. Quoiqu’il ne nous ait pas dit son nom, il est loin d’être détaché de toute prétention littéraire ; parfois même, il se coupe, et abandonne sa fiction d’une manière qui surprend. A la fin de l’ouvrage, après les derniers mots qu’il met dans la bouche de Salomon, il parle en son nom personnel et se distingue nettement de Salomon. Les versets qui suivent ne font pas partie de l’ouvrage mais ils montrent bien que la composition, quand elle parut, ne trompa personne, qu’on la tint pour moderne, que le livre en un mot fut pris comme un de ces écrits hagiographiques qui venaient chaque jour s’ajouter à la Thora et aux anciens prophètes, Au lieu de desserrer le vieux volume pour y insérer le nouvel écrit salomonien à la suite des Proverbes, on mit le tard-venu à la fin du recueil sacré où, selon toutes les apparences, il garda longtemps la dernière place. L’auteur n'est donc pas plus un faussaire que Platon ne l’est dans Le Parménide ou dans Le Timée. Voulant nous donner un morceau de philosophie éléate, Platon choisit Parménide ; voulant nous donner un morceau de philosophie pythagoricienne, il choisit Timée, et il leur met dans la bouche des discours conformes aux doctrines de leur école. Ainsi fait notre auteur. Salomon n'est pour lui qu’un prête-nom pour des idées qu’il trouve appropriées au type légendaire de l’ancien roi de Jérusalem.

Il y a plus : ce parti pris de mettre ses pensées pessi-