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pour le sage que pour le fou. Dans ce qui sera le passé des jours à venir, tout sera oublié. Comment se fait-il que le sage et le fou meurent de la même manière ?...

Ces réflexions me firent prendre la vie en haine ; j’eus de l’aversion pour tout ce qui se passe sous le soleil, voyant que tout est vanité et pâture de vent. Et je pris en dégoût les travaux auxquels je m’étais livré sous le soleil, songeant qu’il faudrait en laisser le fruit à l’homme qui me succédera. Or cet homme, qui sait s’il sera sage ou fou ? Et c’est cet homme-là qui sera le maître de tout ce que j’ai gagné par les travaux que j’ai menés à fin avec tant de labeur et de sagesse sous le soleil ! Encore une fois, vanité !

Je me pris donc à n’avoir que du dégoût au cœur pour tous les travaux auxquels je m’étais livré sous le soleil. Voilà un homme dont la vie laborieuse a été un chef-d’œuvre de sagesse, de savoir et de bonne fortune, eh bien, il laisse tout ce qu’il a gagné, sa juste part, à quelqu’un qui n’y a été pour rien. Quelle vanité ! Quel abus ! car enfin que revient-il ainsi à cet homme-là de toutes les peines et de tous les soucis qu’il s’est donnés sous le soleil ? Ses jours ont été pleins d’ennui ; l’inquiétude a