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serres de la critique moderne, est un des ouvrages les plus charmants que nous ait légués l’antiquité. Le plan a le défaut de toutes les fictions juives. Il n’est pas bâti d’une manière assez ferme. Le parti général du livre, cette façon de dérouler la confession d’un vieux roi dégoûté de la vie, pour amener par toutes les voies la conclusion : « Tout est vanité », est indiqué avec un rare bonheur ; il n’est pas suivi avec assez de persistance. L’auteur se perd en des réflexions dont on ne voit pas le lien avec le thème principal. Comme dans Le Livre de Job, il faut mettre de la complaisance pour ramener à l’unité cette divagation sans frein. Le manque d’unité est aussi le défaut qu’on trouve au plus haut degré dans le Cantique des cantiques. Seuls, les Grecs ont su créer des œuvres logiques, parfaitement suivies, conséquentes avec elles-mêmes. Le simplex duntaxat et unum est la découverte du génie grec. Chaque composition hellénique est comme un temple, où toutes les parties sont des fonctions les unes des autres, si bien qu’on peut restituer le tout avec une seule de ses parties. Certes, il n’en est pas ainsi du Cohélet. Des chapitres entiers pourraient être retranchés sans que le tout en souffrit.

La philosophie de l'auteur n'est pas non plus très rigoureusement enchaînée. La conséquence de ses prémisses devrait être l’impiété. Théodore de Cyrène, qui a tant de rapports avec lui, conclut, en effet, à l’athéisme. Mais l’inconséquence de Cohélet a quelque chose de touchant. Aux deux ou trois endroits où l’on croirait qu’il va s’enfoncer dans le pur matérialisme,