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gèse du livre, en montrant qu’il fallait pour l’expliquer descendre jusqu’à l’époque macédonienne. M. Zirkel reconnut aussi que le livre était encore plus moderne que les premiers critiques protestants, réputés hardis, ne l’avaient supposé.

Le Cohélet est un ouvrage si profondément juif qu’il était réservé à des critiques juifs d’en saisir définitivement le caractère et le sens véritable. Moïse Mendelssohn, Samuel David Luzzatio, le comprirent beaucoup mieux que ne l’avaient fait les théologiens protestants. Enfin il a été donné à M. Grætz d’accomplir, dans l’exégèse du livre qui nous occupe, le pas le plus considérable[1]. Une foule d’exégètes avaient signalé le caractère moderne de la langue du Cohélet ; M. Grætz a fort bien remarqué que ce n’est pas assez dire et que, pour trouver les vrais analogues de ce style, c’est presque jusqu’à la Mischna qu’il faut descendre. Certes M. Grætz a été beaucoup trop loin en prétendant préciser une foule de traits de la pensée de l’auteur dont la véritable nuance nous échappera toujours. Pour faire du livre un pamphlet politique contre le gouvernement d’Hérode, devenu vieux et impopulaire, il faut forcer une foule de détails et voir dans le livre autre chose que ce qui s’y trouve. Ce qui est bien plus choquant dans l’ouvrage de M. Grætz, c’est l’explication des deux derniers chapitres. Si cette explication était admise, le Cohélet serait un mauvais livre, un livre de mauvais conseils. Or, voilà ce qu’il n’est nullement. C’est un livre de scepticisme élégant ;

  1. Kohélet, oder der salomonische Prediger, Leipzig et Heidelberg, 1871.