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livres qui les scandalisaient. L’erreur accréditée sur l’auteur des deux livres fut aussi, à quelques égards, salutaire. On les croyait de Salomon, et une origine si respectable empêchait de voir les objections. La Sagesse de Jésus, fils de Sirach, qui n’offrait pas de difficultés à beaucoup près aussi sérieuses à l’orthodoxie, fut arrêtée sur le seuil de la canonicité, parce qu’elle avouait trop naïvement son origine moderne. L’auteur porta la peine de sa sincérité. Selon l’esprit du temps, un livre n’avait d’autorité que s’il portait le nom d’un patriarche, d’un prophète, d’un vieux scribe vénéré.

Vers l’an 100 de notre ère, le Cohélet fait donc partie de la Bible juive. Vers l’an 135, Aquila le traduit en grec, et les chrétiens commencent à le lire. Les conséquences de cette lecture se laissent d’abord bien peu sentir. Les chrétiens, avec leur assurance, allant jusqu’au martyre, du prochain avènement de la justice divine, ne pouvaient beaucoup goûter les sentences découragées de notre jouisseur blasé. Ni saint Justin, ni saint Irénée, ni Tertullien, ni Clément d’Alexandrie ne citent L'Ecclésiaste[1]. L’Église, cependant, pour les jugements sur la canonicité des livres, dépendait encore de la synagogue. Tout livre hébreu, dès qu’il était traduit en grec, devenait un livre sacré. Ainsi la traduction d’Aquila s’introduisit dans

  1. Les traces qu'on en a cru voir dans le Testament des douze patriarches (Nepht., 2, 8) et dans saint Justin (Apol. I, c. 57 ; Dial., c. 6) sont plus que douteuses. La phrase banale, Eccl., XII, 13, se retrouve dans le Pasteur d'Hermas, mand. VII, init. ; mais il n'est nullement probable que ce soit là un emprunt fait au livre pseudo-salomonien.