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de l’Orient nous reporte est vers l’an 125 avant Jésus-Christ. Le pouvoir des séleucides s’était effondré et avait laissé la place à des petites dynasties locales, à des villes autonomes[1]. La royauté d’Israël s’était relevée par les Asmonéens. Bien que sortie d’un fanatisme brûlant, cette dynastie, surtout après sa rupture avec les pharisiens sous Jean Hyrcan, devint bientôt assez profane. Alexandre Jannée et Jean Hyrcan sont des rois comme d’autres, religieux par habitude et par politique, cruels, avides, méchants, au fond très peu dévots. C’est le temps des hasidim et le commencement des sectes comme les esséniens, qui, justement par réaction contre la perversion du monde, introduisent dans l’israélitisme un esprit de mysticité inconnu jusque-là. Ces gens qualifiés de « sots », qui se livraient aux pratiques d’un ascétisme exalté, à des abstinences inutiles, qui se préoccupaient vainement de l’avenir et de ce qui arrive après la mort, qui trouvaient mauvais que l’homme jouît tranquillement de l’aisance qu’il avait acquise par un travail honnête, étaient probablement les premiers en date de ces fous du royaume de Dieu dont la folie allait gagner le monde et que notre auteur ou ses pareils devaient accueillir de tous leurs dédains.

S’il fallait s’arrêter à une date un peu précise, c’est vers ce temps, une centaine d’années avant la naissance de Jésus, que je placerais la composition du Cohélet. L’auteur fut peut-être quelque arrière-grand-père d’Anne ou de Caïphe, de ces prêtres aristocrates

  1. Qu'on se rappelle toutes ces ères de villes autonomes qui datent, en Syrie, de l'an 125 à peu près