Page:Renan - Ecclesiaste - Arlea.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était trop ébranlée, c’était l’espérance de se survivre en ses enfants. La postérité le consolait de la fragilité de la vie individuelle. Notre auteur voit dans cette façon de raisonner une amère duperie. Que sait-on de ses enfants ? Ce seront peut-être des sots, qui vous couvriront de honte et démoliront ce que vous avez cherché à édifier. Le vrai commentaire du Cohélet, ce sont les livres XII et XIII des Antiquités de Josèphe, ce tissu de crimes et de bassesses qui, surtout, depuis l’an 200 (av. J.-C.) à peu près, compose l’histoire de la Palestine. Les hasidim échappaient à la réalité par leurs rêves messianiques ; notre auteur y échappe par son fatalisme résigné et par son goût de la vie raffinée.

Le temple de Jérusalem existait quand le livre fut écrit, et le culte y florissait. Le sacerdoce était organisé avec un certain pouvoir temporel. Il y avait des piétistes zélés, qui exagéraient les prescriptions et faussaient la religion par un zèle et une austérité outrés. Jérusalem était le siège d’une royauté et d’une cour, où les gens un peu notables de la ville aspiraient à briller. Les dynasties et les villes indépendantes pullulaient en Syrie ; elles se faisaient des guerres sans fin. Une petite ville pouvait avoir un siège à soutenir. Il semble qu’aucun grand pouvoir comme celui des Achéménides, ou d’Alexandre, ou des Ptolémées, ou des Séleucides ne se faisait sentir[1].

Le moment où un pareil état social de la Judée et

  1. Le mot medina pour désigner une province, et le fait d'esclaves gouverneurs et hauts fonctionnaires, seraient plutôt caractéristiques de l'époque perse ; mais l'état administratif de l'Orient n'a jamais beaucoup varié.