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hébreu doit être traduit par un mot grec. De tous les mots hébreux le plus vide de sens est sûrement la particule et, qui sert à marquer le régime direct du verbe. Un traducteur grec raisonnable a rempli son devoir quand il a mis à l’accusatif le mot précédé de cette particule. Aquila ne l’entendait pas ainsi. Il rendait systématiquement et par sun, quoique cela ne fît en grec aucun sens. Traduisant, par exemple, le premier verset de la Genèse, il mettait « que Dieu créa sun ton ouranon kai sun tèn gèn »[1], Or cette particularité bizarre s’observe toujours dans la traduction grecque du Cohélet qui fait partie de la Bible grecque orthodoxe. Cette traduction se distingue, d’ailleurs, par une littéralité extrême. Elle a donc été faite sous l’influence des idées de Rabbi Aquiba. Est-elle d’Aquila lui-même ? Cela est très douteux ; car une version grecque différente de celle-là figurait dans les Héxaples d’Origène sous le nom d’Aquila. Mais Aquila fit souvent plusieurs versions d’un même livre. Les deux versions, au moins, sont sûrement contemporaines ; car cette bizarre manie de rendre et par sun dura très peu de temps. On la trouvait aussi dans la traduction grecque, maintenant perdue, de L’Apocalypse d’Esdras, ouvrage de la fin du Ier siècle de notre ère[2].

Il semble donc que le Cohélet ne fut traduit en grec que vers l’an 130 après Jésus-Christ. Cela coïncide

  1. Saint Jérôme, Ad Pammachium, de optimo genere interpretandi, Opp., IV, 2e partie, p. 255 (Martianay).
  2. Ch. VI, 59, cum seculo, qui est sûrement la traduction de sun ton aiôna. Voir L'Église chrétienne.