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libre esprit ne connaît pas de limites ; mais il s’en faut que l’espèce humaine tout entière soit arrivée à ce degré de contemplation sereine où l’on n’a pas besoin de voir Dieu dans tel ordre particulier de faits, justement parce qu’on le voit en toute chose. La liberté, Messieurs, si elle était bien comprise, ferait vivre côte à côte ces exigences opposées. J’espère que, grâce à vous, ce cours en sera la preuve. Comme je ne porterai dans mon enseignement aucun dogmatisme, comme je me bornerai toujours à faire appel à votre raison, à vous proposer ce que je crois le plus probable, en vous laissant la plus parfaite liberté de jugement, qui pourra se plaindre ? Ceux-là seuls qui croient avoir le monopole de la vérité. Mais il faut que ceux-là renoncent à être les maîtres du monde. Galilée, de nos jours, ne se mettrait plus à genoux pour rétracter ce qu’il saurait être la vérité.

Vous me permettrez, dans l’accomplissement de ma tâche, de descendre jusqu’aux plus menus détails, et d’être habituellement technique et austère. La science, Messieurs, n’atteint son but sacré, qui est la découverte de la vérité, qu’à condition d’être spéciale et rigoureuse. Tout le monde n’est pas destiné à être chimiste, physicien, philologue, à s’enfermer dans des laboratoires, à suivre durant des années une expérience ou un calcul ; tout le monde participe pourtant des grands résultats philosophiques de la chimie, de la physique, de la philologie. Présenter ces résultats dégagés de l’appareil qui a servi à les découvrir, est une chose utile et que la science ne doit pas s’interdire.