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une immense supériorité sur le reste de l’humanité, n’était pas un pays de luxe ; on y parlait avec dédain de la vaine magnificence des palais du grand roi, et s’il nous était permis de voir la maison de Périclès, il est probable que nous la trouverions à peine habitable. Je n’insiste pas sur ce point, car il y aurait à examiner si ce luxe asiatique, celui de Babylone, par exemple, est bien le fait des Sémites ; j’en doute pour ma part. Mais un don incontestable qu’ils nous ont fait, un don de premier ordre, et qui doit placer les Phéniciens, dans l’histoire du progrès, presqu’à côté des Hébreux et des Arabes, leurs frères, c’est l’écriture. Vous savez que les caractères dont nous nous servons encore aujourd’hui sont, à travers mille transformations, ceux dont les Sémites se servirent d’abord pour exprimer les sons de leur langue. Les alphabets grecs et latins, dont tous nos alphabets européens dérivent, ne sont autre chose que l’alphabet phénicien. Le phonétisme, cette idée lumineuse d’exprimer chaque articulation par un signe et de réduire les articulations à un petit nombre (vingt-deux), est une invention des Sémites. Sans eux, nous nous traînerions peut-être péniblement encore dans l’hiéroglyphisme. On peut dire en un sens que les Phéniciens, dont toute la littérature a si malheureusement disparu, ont posé ainsi la condition essentielle de tout exercice ferme et précis de la pensée.

Mais j’ai hâte d’arriver, Messieurs, au service capital que la race sémitique a rendu au monde, à son œuvre propre, et, si l’on