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procédés des Sultans de tous les temps, ce qui ne l’empêche pas de passer pour le plus sage des rois. Quand les prophètes battent en brèche la royauté, ce n’est pas au nom d’un droit politique, c’est au nom de la théocratie. Théocratie, anarchie, despotisme, tel est, Messieurs, le résumé de la politique sémitique ; ce n’est pas heureusement la nôtre. La politique tirée de l’Écriture sainte (fort mal tirée, il est vrai) par Bossuet, est une détestable politique. En politique, comme en poésie, en religion, en philosophie, le devoir des peuples indo-européens est de rechercher la nuance, la conciliation des choses opposées, la complexité, si profondément inconnues aux peuples sémitiques, dont l’organisation a toujours été d’une désolante et fatale simplicité.

Dans l’art et la poésie, que leur devons-nous ? Rien dans l’art. Ces peuples sont très-peu artistes ; notre art vient tout entier de la Grèce. — En poésie, sans être leurs tributaires, nous avons pourtant avec eux plus d’un lien. Les psaumes sont devenus à quelques égards une de nos sources poétiques. La poésie hébraïque a pris place pour nous à côté de la poésie grecque, non comme nous ayant fourni des genres déterminés de poésie, mais comme constituant un idéal poétique, une sorte d’Olympe où tout se colore, par suite d’un prestige accepté, d’une auréole lumineuse. Milton, Lamartine, Lamennais n’existeraient pas, ou n’existeraient pas tout entiers sans les psaumes. Ici encore, cependant, tout ce qui est nuance, tout ce qui est délicat, tout ce qui est profond est notre œuvre. La chose essen-