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L’orgueilleux est celui qui dit à ses semblables : Vous êtes tous des insensés, privés de la vérité, errant dans le labyrinthe de vos pensées. Et moi, je possède la vérité, je suis l’infaillible ; si vous ne croyez pas ce que je vous dis, vous êtes des misérables, allez au feu éternel[1]. L’or-

  1. C’est surtout dans la controverse avec les protestants que se montre dans tout son jour cet épouvantable orgueil de l’orthodoxe, et cette imperturbable confiance dans sa hautaine dialectique. Il est certain que les protestants dogmatiques, comme l’étaient Claude et Jurieu et en général ceux du xviie siècle, ne se tiraient que très difficilement de ces captieux filets de controversistes. Ils acceptaient l’arme et les conditions du combat, on ne se plaint pas trop de les voir battus, bien qu’ils eussent raison, non pas pourtant autant qu’ils l’auraient pu. Mais ce qui est tout à fait agaçant, c’est le triomphe hautain et pédantesque des catholiques à l’égard des protestants plus critiques, qui n’admettent le christianisme que comme la plus pure manifestation de l’idée religieuse et la forme la plus avancée du culte en esprit. Don Quichotte n’offre pas un trait de caractère aussi plaisant que cette ardeur à ferrailler contre des adversaires, qui sont assez fins pour sourire de cette humeur belliqueuse et de ces armes rouillées.