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mais deviennent insuffisantes, dès qu’elle aspire à l’infini. Dans le premier état, l’humanité se repose et est heureuse ; dans le second, elle est insatiable et malheureuse, mais plus noble en un sens ; et dès lors elle préférera dans l’art et dans la morale le souffrant, l’irrassasié, la sensation vague et pénible que fait naître l’infini, à la pleine et complète satisfaction que procure une œuvre saine et achevée.

Mais il est trop tard. On ne guérit pas de la subtilité. On peut reconnaître qu’on s’est faussé l’esprit, mais non le redresser. Et puis, la déviation a tant de charme, et la droiture est si ennuyeuse qu’en vérité, si j’étais à recommencer, je la préférerais peut-être encore. Un temple est incontestablement d’une beauté plus pure qu’une église gothique ; et pourtant je resterai des heures en celle-ci, et ne pourrai durer