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esthétique, qui a rompu le charme qui nous attirait. Si nous avions été païens, ou moins profondément imbus de christianisme, notre vie se fût écoulée normale et vulgaire. Si à cette époque nous eussions habité l’Italie, si j’eusse compris l’antiquité comme je la comprends maintenant, je n’eusse pas quitté les sentiers doux et faciles de la plaine pour les pics aigus et romantiques de la montagne. Je manquais radicalement à cette époque de cette mesure, de ce modus optimus qu’enseigne si bien cette terre classique. Apollon, Castor et Pollux, Diane, Minerve, Vénus me paraissaient insipides, parce qu’ils représentent la nature saine et normale. Je leur préférais une Vierge mère de Dieu, et la maigre image d’un Dieu tiraillé par des clous. Préférence donnée à l’anormal, à l’exceptionnel, au maladif, voilà l’esthé-