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entre nous était impossible. Par des voies très différentes, moi par le plein développement de mes facultés viriles, elle par la prodigieuse finesse de ses instincts, développée encore par le commerce intime de nos deux esprits, nous en étions venus à considérer le monde moral à peu près de la même manière. Dès lors devait s’élever entre nous un mur éternel de séparation, ce mot glacial : à quoi bon ? L’abstention devait même nous paraître plus belle que la jouissance. Or, pénétrés comme nous l’étions de la beauté supérieure du sacrifice et de la privation, il devait nous sembler préférable, même au point de vue de notre amour et de notre mutuelle beauté, de nous séparer.

Notre malheur a été d’être trop chrétiens. C’est le christianisme, par ses principes de renoncement et par son étrange