Page:Renan – Patrice, 1908.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une jeune fille ; elle sent mon embarras, baisse les yeux et se détourne, et je ne sais pas bien quel sentiment elle emporte de moi. À quoi tient cette étrange timidité, qui constitue le défaut capital de ma nature ? Est-ce cette pudeur ingénue qui ne fait qu’ajouter un charme de plus à la sympathie et resserrer le lien de deux âmes ? Ce serait me flatter que de le croire. Cette pudeur de la première jeunesse rapproche, ravive, donne de la grâce au sourire, et parle mieux que le plus doux langage. Mon embarras éloigne, assombrit, c’est un mur qui se dresse et empêche les deux âmes de se réfléchir. La jeune fille s’en va triste, et moi, le front baissé, je reprends ma solitude. Hélas ! c’est que je ne suis plus simple ! Cette femme sent trop bien que je lui suis supérieur ; elle se défie de moi ; je devinerais peut-être son