Page:Renan – Patrice, 1908.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Autrefois j’avais des joies et des tristesses, des indignations et des sympathies, des bons et des mauvais jours, des printemps et des hivers. Maintenant j’ai atteint l’azur, où tout est d’une même couleur, où tout n’a qu’un visage dans l’univers. L’arbre dépouillé de ses feuilles me plaît autant que l’arbre en fleur, la colline aride et couverte de bruyères me plaît autant que le coteau qui s’arrondit sous la vigne et sous l’olivier ; le désert de la campagne de Rome me charme autant que la vallée verdoyante de l’Arno ou du Léman. J’aime autant le Forum couvert de fumier, de charrettes et de bœufs que servant de lieu de réunion à un peuple libre ; j’aime autant les cardinaux et les moines que les consuls et les tribuns ; j’aime autant une ridicule église dans le style de Borromini que le temple