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bras croisés sur sa poitrine serraient une croix. On ne reconnut sa faute que quand on vint l’ensevelir. Voilà une jeune fille qui, sans art et sans savoir, a dépassé par le sentiment esthétique les plus grands artistes. Elle a conçu assez puissamment l’idéal de la pudeur pour y sacrifier sa propre vie ; elle a vu sa statue gâtée par un irréparable malheur ; elle a pris le marteau et l’a brisée. Sois bénie et bienheureuse, âme sublime, et reçois la complainte de tous ceux qui sont capables de préférer un sentiment à eux-mêmes. Le vulgaire la plaint et les esprits secs la condamnent ; mais la douceur de ses derniers instants, quand elle revêtit sa robe blanche et qu’elle croisa ses bras sur sa poitrine, dut être si grande qu’elle aurait suffi, répandue sur toute une vie, pour l’embaumer et en faire le charme.