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pour m’irriter contre le laid, contre le crime, contre l’enfer, contre les bourreaux.

Tout a son droit à l’être. Vouloir détruire ou abolir quoi que ce soit, c’est folie. C’est détruire un ton dans l’échelle musicale, une nuance dans la série des couleurs. L’ennemi veut détruire son ennemi, mais il n’y a d’ennemis qu’au point de vue de l’individu, il n’y a pas d’ennemis au point de vue du tout. Toute chose représente un ton dans l’univers, dans le concert universel.

Il est d’un petit esprit de vouloir supprimer le mal. Le mal est une face des choses comme une autre, et le monde ne serait pas complet sans le mal[1]. L’Indien

  1. En lisant ce passage, comme bien d’autres, il faut se rappeler que Patrice n’exprime pas toujours des opinions définitivement arrêtées, mais des aperçus dont il voyait fort bien l’imper-