Page:Renan – Patrice, 1908.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’a engagé dans une voie où il ne me reste plus qu’à mourir. À vingt-six ans, j’ai épuisé la vie. Quoi ! trente ou quarante années de prolongement inutile et insignifiant ? Cela ne s’est jamais vu : la mort a un tact merveilleux pour savoir clore à propos chaque vie, quand le plan moral en est rempli. Le cercle de la vie physique et de la vie morale… Je sens que l’une finira avec l’autre.

» Si ces lignes tombent jamais sous les yeux de quelqu’un, il croira peut-être que j’ai pensé au suicide. Celui-là me connaîtrait bien mal. Le dégoût et l’ennui me sont inconnus et ne correspondent à aucun fait de mon expérience intime. Je ne me suis jamais ennuyé. Ma curiosité me fait prendre goût à la vie, je trouve le monde trop curieux pour ne pas aimer à le contempler. Étranger au plaisir, je