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— Ma chère malade, lui dit alors Mme de Serville, voici M. le juge d’instruction de Laon qui vient recevoir votre déposition. Dites-lui donc, sans trop vous fatiguer, ce que vous savez de ce triste événement qui nous a si vivement émus tous, il y a quelques jours.

En contemplant cette ravissante créature et en voyant de quelle affection elle était entourée, la conviction du magistrat était déjà faite.

Pour lui, Justin Delon n’était qu’un infâme qui, pour se sauver, n’avait pas hésité à compromettre une jeune fille digne de tous les respects.

Cependant, ainsi que son devoir le lui ordonnait, il dit à Mlle Reboul :

— Mademoiselle, si je n’avais qu’à vous demander des renseignements sur les faits matériels dont ce château a été le théâtre, la démarche que je fais auprès de vous n’aurait rien de pénible, puisqu’elle m’aurait seulement procuré l’honneur d’être présenté à Mme de Serville et à vous ; mais il n’en est pas ainsi : Justin Delon, pour expliquer sa présence dans cette maison au milieu de la nuit, est entré dans des détails qui vous concernent seule.

— Moi, monsieur ? fit Jeanne avec des regards de surprise d’une adorable naïveté.

— Oui, mademoiselle, vous ; mais je ne sais si je dois vous faire cette communication devant témoins.

— Certes oui, monsieur. Je n’ai pas de secrets pour ma bienfaitrice ni pour son fils.

Cela avait été dit avec un si franc sourire, que l’étonnement qu’avaient causé les paroles du juge d’instruction à Mme de Serville et à Armand disparut aussitôt.

— Vous le voulez alors, mademoiselle ? demanda le magistrat.

— Je vous en prie, monsieur.

— Eh bien ! cet homme prétend que vous pouvez le sauver.

— Moi ! Comment ? Je ne demande pas mieux.

— Attendez ! En reconnaissant qu’il n’est entré au château que pour vous rejoindre ; cela, avec votre autorisation.

— Oh ! le misérable ! s’écria le fils de la châtelaine.

Jeanne n’avait pas répondu. Comme suffoquée par l’indignation, elle avait levé ses grands yeux sur Mme de Serville. Ses regards lui disaient de la prendre sous sa protection.

— Voyez, monsieur, fit la confiante et digne femme en montrant la malade au juge d’instruction, qui répondit aussitôt :

— J’avais bien pensé que c’était là une odieuse calomnie.

Il ajouta, en s’adressant à la jeune fille :

— Ainsi, tout cela est faux ? Je vous demande pardon d’insister : vous n’avez jamais autorisé cet homme à vous rejoindre ? Vous ne l’attendiez pas ?