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si grande confiance dans les explications que pourrait donner Mlle Reboul, je me transporterai auprès d’elle pour recevoir moi-même sa déposition.

— Oh ! merci, monsieur, merci ! s’écria le prisonnier. Dites-lui bien que je n’ai prononcé son nom que pour échappera la plus terrible accusation, et que je la supplie de me pardonner ! Je sais que c’est mal de compromettre une femme ; mais je ne puis cependant me laisser condamner comme voleur. Mon pauvre père me maudirait !

L’infortuné se voilait le visage de ses deux mains pour étouffer ses sanglots.

Toutefois, ce fut un peu moins désespéré qu’il retomba dans la solitude de sa cellule.

Le surlendemain, le représentant du parquet tint sa promesse en se rendant à la Marnière.

Ce fut Mme de Serville qui le reçut.

Il lui expliqua le but de sa visite, sans lui faire part toutefois du moyen de défense employé par Delon.

— Que pourra vous dire la chère enfant ? lui répondit la châtelaine ; elle est très souffrante et nous attendons le docteur. Cependant, je le comprends, la justice ne doit rien négliger. Je vais vous conduire auprès de Mlle Reboul.

Armand, qui avait été prévenu de l’arrivée du magistrat, entrait dans le salon au moment même où sa mère prononçait ces mots.

— Je vous accompagnerai également si vous le permettez, monsieur, proposa-t-il au juge d’instruction, en le saluant.

— Parfaitement, monsieur, répondit ce dernier, en rendant au jeune homme son salut.

Mme de Serville passa la première pour montrer le chemin, et ils gagnèrent tous trois la chambre de Jeanne.

Jamais Mlle Reboul n’avait été plus jolie. On eût dit que, s’attendant à cette visite, elle s’était armée de toutes pièces.

De plus, elle avait bien certainement fait provision de calme, car sa physionomie exprima le plus complet étonnement lorsqu’elle vit entrer chez elle Mme de Serville accompagnée de son fils et d’un étranger.

Ce dernier, malgré la gravité de son caractère et la nature de sa démarche, ne dissimula pas, pour ainsi dire, son admiration. Quant à Armand, il eut un éblouissement.

Jeanne, étendue dans un grand fauteuil, n’était coiffée que de son admirable chevelure ; ses yeux, fatigués par la grossesse, brillaient d’un merveilleux éclat ; ses lèvres carminées faisaient ressortir la pâleur mate de son teint.

Elle était vêtue d’une longue robe de chambre qui cachait la déformation de sa taille, et avait un air de morbidezza plein de charme.

À l’arrivée de sa bienfaitrice, elle fit un mouvement affectueux pour venir à elle ; mais celle-ci l’empêcha de se lever, et la jeune fille se laissa retomber gracieusement sur son siège en saluant l’inconnu.