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contourner cette pièce d’eau, en fuyant, après avoir sauté par la fenêtre du rez-de-chaussée.

Ce jour-là, Jeanne avait été plus matinale que jamais. Avant même que les domestiques fussent levés, elle était descendue au jardin.

En présence de cette preuve de vol commis pendant la nuit dans une maison habitée, le maire de la Marnière n’avait qu’à livrer le coupable à la justice. C’est ce qu’il fit sans retard.

Le soir même, sans avoir vu son père, dont on comprend l’immense douleur, Justin Delon fut conduit à Laon et mis à la disposition du parquet, qui ordonna son incarcération.

Une instruction ayant été immédiatement ouverte, Mme de Serville et son fils reçurent bientôt l’invitation de se rendre chez le magistrat chargé de l’affaire.

Si mauvais que fussent les souvenirs qu’elle avait conservés de Justin, la digne femme ne l’accabla pas.

Armand se contenta, lui, de raconter simplement ce dont il avait été témoin.

Quant au prisonnier, le désespoir l’avait plongé dans un tel état de prostration, qu’il ne put que sangloter en affirmant son innocence ; mais, quelques jours plus tard, lorsque le juge d’instruction lui fit connaître la déposition des maîtres du château, sentant alors tout à fait l’écrasante accusation qui pesait sur lui, il reprit un peu d’énergie et s’écria :

— Mais, monsieur, tout cela est horrible ! Il y a cependant à la Marnière quelqu’un qui sait bien que je ne suis pas un voleur, et qui pourrait dire pourquoi je me suis introduit cette nuit-là dans la maison.

— Quelle est cette personne ? Nommez-la, je la ferai comparaître.

Après avoir hésité un instant, Justin répondit :

— C’est Mlle Reboul.

— Qui est cette demoiselle ?

— La fille adoptive de Mme de Serville.

— Elle sait pour quel motif vous avez pénétré dans le château ?

— Si elle le sait !

À cette exclamation, dont le ton laissait clairement entrevoir tout ce que le prévenu n’osait encore dire, le magistrat eut un sourire ironique.

Cependant il dit aussitôt :

— Je comprends ; vous alliez rejoindre cette jeune fille ?

— Oui, monsieur. Ah ! je vous jure que s’il ne s’agissait pas de mon honneur, je me tairais !

— Vous oubliez ces couverts d’argent volés dans un des buffets de la salle à manger et retrouvés dans le bassin.

— C’est là un fait auquel je suis étranger. Je n’y comprends rien. Oh ! c’est affreux ! Moi, un voleur !